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À chaque fois que ma mère va faire des courses, elle insiste pour que je l’accompagne. Elle le fait gentiment, je crois qu’elle n’a jamais été aussi gentille avec moi.

    Viens, ça va te changer les idées.

Je la suis en toute indifférence. Ces idées-là, quand on les a, on n’en change pas si facilement.

    Qu’est-ce que tu veux manger ?

    Je ne sais pas. Je m’en fous. Je n’ai pas faim.

 

Elle me regarde tristement. Elle est aussi malheureuse que moi, je le sais. Mais elle, elle s’accroche à la vie. Elle s’occupe comme si rien n’avait changé. Elle tente de me faire participer, elle a toujours besoin de moi, je ne suis pas dupe. Ainsi, à la station service :

    Tu me fais le plein ?

Je m’exécute docilement et sans enthousiasme.

 La veille du départ, je n’ai toujours rien préparé, alors elle vient m’aider à remplir mon sac à dos.

    Maman, tu m’appelleras si quelque chose de grave arrive ?

    Mais oui, ne t’inquiète pas, en dix jours, il ne se passera rien.

 

Sans doute qu’il ne se passera rien, mais je ne peux m’empêcher d’être triste et inquiet.

 

Premier vendredi de juillet, nous prenons la route. Lyon – Gap, ce n’est pas très loin, mais ça suffit parfois pour avoir des ennuis. Quand on est parti dans une mauvaise passe, ça n’arrête plus, et en ce moment, c’en est une.

 

Je m’appelle Maxime, j’ai dix-sept ans, tout pour être heureux ou presque mais je ne le suis pas, c’est même tout le contraire. Je me trouve beau gosse : un mètre quatre-vingts, bien bâti, des cheveux fous, mi-longs, bruns et dans les yeux aussi… (rien que ça !), des yeux marron très clair, les traits fins, un sourire ravageur, dit ma mère... Il est vrai que sur les photos on ne voit que ça : mes dents, jusqu’aux gencives. Mais en ce moment, je n’ai pas trop l’occasion de sourire.

 

Ma mère conduit tranquille. Elle conduit bien, moins brutalement que mon père qui ne peut s’empêcher, même pour aller à la boulangerie, de faire Paris-Dakar. Je dors tranquille à ses côtés, quand un choc violent me réveille en sursaut.

    Qu’est-ce que c’était ?

    Un petit sanglier qui était déjà écrasé. Le chauffeur devant ne l’a vu qu’au dernier moment et moi aussi, je n’ai pas pu l’éviter.

    Ça va ?

    Elle tire un peu à droite mais ça ira, on est presque arrivés.

 Jamais je ne pourrai - couverture 1

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