Georges Simenon c’est 192 romans, 158 nouvelles, 25 textes autobiographiques, de nombreux reportages, des articles signés de son nom ou de l’un de ses 27 pseudonymes : soit un total de plus de 350 récits.

 

Je ne vais pas m’y mesurer. Qui oserait, sans déprimer, se comparer à ce talentueux et besogneux écrivain ? Il lui fallait moins d’une semaine pour « boucler un Maigret », jamais plus de 10 jours pour un « vrai roman », et à chaque fois, le succès était au rendez-vous. Mais, les comparaisons peuvent être amusantes.

 

Georges était, paraît-il, bourré de manie et de superstitions… C’est lui qui le disait :

 

« Hier, vers 3 heures 45, je me suis installé à ce même bureau, le do not disturb aux deux portes, le café à côté de moi, quatre douzaines de crayons neufs fraîchement taillés, un bloc neuf aussi, du papier jaunâtre et l’enveloppe de papier avec les noms, âges, adresses de mes personnages - une pile d’indicateurs de chemins de fer... Rideaux tirés, machine et pipes nettoyées… Bref, la routine qui a fini par tourner en superstition ».

 

Evidemment, les époques ont bien changées : plus de papier jaunâtre (lorsque mes feuilles le deviennent, c’est que j’y ai maladroitement renversé mon café), plus de crayons fraîchement taillés, plus d’indicateurs de chemins de fer… Quant aux pipes…, n’en parlons pas.

 

Par contre j’envie le bureau « Do not disturb »… J’aimerais avoir le même ! Dans une autre vie peut-être. J’ai troqué bloc et papier jaunâtre contre une pile de pages volantes, aux crayons taillés je préfère mon plume à l’enseigne de cette célèbre montagne française et sa bouteille d’encre. Et mon ordi, compense allègrement vos indicateurs de chemins de fer.    

 

La superstition, Georges était tombé dedans quand il était tout petit : né un vendredi 13, il est déclaré du 12 par sa mère qui espère le protéger du mauvais sort. Vu le résultat, il semblerait que la technique était bonne. Moi, j’ai fait mieux, j’ai doublé la mise : je suis né un deux fois treize, c’est-à-dire un 26 février et comme ma mère n’était pas superstitieuse et n’avais pas lu Simenon, elle m’a déclaré du 26 ! Ça commençait mal : double mauvais sort !

 

Je me trouve un peu con parfois, d’écrire sous deux pseudos différents. Là, Georges, avec tes 27, tu me remontes carrément le moral, même si j’ai un peu de retard… Un autre domaine, dans lequel j’ai peu de chance de rivaliser (sans compter le succès bien sûr), c’est le temps que tu mettais pour écrire un manuscrit. Moins d’une semaine pour « boucler un Maigret », jamais plus de 10 jours pour un « vrai roman » ! Je me situe modestement dans les : au moins six mois, mais jamais plus de deux ans et demi. Pour ma défense, je ne vois qu’un argument : je n’ai pas de bureau « Do not disturb », alors forcément, on me disturbe beaucoup !      

 

 Une part de transe entre aussi dans sa pratique littéraire : si Georges écrivait vite, s’il corrigeait très peu, c’était pour « laisser travailler au maximum l’inconscient ».

 

Cette dernière expression m’a fait sourire. C’est peut-être ce que je devrais afficher sur les portes de mon bureau (moi aussi, j’en ai deux) :) : « Laissez travailler l’inconscient ». Car c’est probablement ce que je suis, aux yeux de ma famille et de mes amis !

 

Un écrivain irlandais expliquait récemment que lorsqu’un irlandais annonçe à sa famille qu’il souhaite devenir écrivain, tous le félicitent et l’encouragent. En France, disait-il, c’est le contraire : on fait tout pour l’en dissuader.     

Laissez travailler l’inconscient.
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