Lorsque j’étais môme le monde se divisait en deux. Il y avait les vieux, bourrés de préjugés, surveillant les voisins derrière leurs rideaux. Toujours prêts à médire et à transformer toute bonne action en soupçonneux complot. Et puis nous, les jeunes, ceux de ma génération qui allions changer le monde et bousculer toutes ces misérables habitudes. Quand plus tard j’ai entendu Bob Dylan chanter : « The Times They Are a-Changing » je le savais déjà depuis longtemps.

Il est vrai que le monde a changé mais pas dans le sens que nous l’avions imaginé.

Chaque évènement, chaque idée nouvelle, chaque projet ou déception nous aident à nous construire. Nous devenons des adultes avec des convictions et des certitudes.

Mais il est parfois des gens qui ont le don de nous faire douter de tout.

Les vieux dont je parlais vivaient dans leurs superstitions. Ils avaient peur des chats noirs, fuyaient les échelles et étaient horrifiés devant un miroir brisé. Je m’interdisais de suivre ces croyances moyenâgeuses. Les choses et les évènements ont une incidence sur notre vie mais pas de cette façon.  

Il est évident que toutes ces superstitions font partie de passé, même si nos comportements de chaque jour sont là pour nous dire le contraire !

Ainsi ce robot-travailleur qui a eu la chance de trouver un emploi. Le premier matin il est monté dans le troisième wagon du RER et s’est assis sur le quatrième siège à gauche. Le deuxième jour, vu que tout c’était bien passé la veille, il s’est rassis sur le même siège du même wagon. C’est ce qu’il fait tous les jours depuis cinq ans.

Lorsqu’un voyageur occasionnel et non avertis a l’audace de lui prendre son siège il fait la gueule et se dit :

-           Quand ça commence comme çà… que va-t-il encore m’arriver aujourd’hui ?

Ce siège est devenu son porte bonheur.

Voici une autre histoire, qui me fait penser que ces superstitions ont encore de beaux jours devant elles.  

J’ai un ami qui est technicien dans une compagnie aérienne. Toute l’année, dans le monde entier, il remplace ceux qui partent en vacances. Un été il arrive dans une escale d’un pays d’Amérique du sud. Il était venu rejoindre Marcel (45 ans) Gérard lui avait la trentaine. Tout se passait bien, ils formaient une bonne équipe, quand un soir Marcel lui dit :

-           Je te préviens, ma femme arrive demain.

Sa femme était rentrée en France et elle revenait le lendemain. Gérard ne comprenait pas en quoi le retour de la femme de Marcel pouvait le concerner au point qu’il le prévienne !

-           Oui, et alors ?

-           À chaque fois l’avion qui la ramène est un avion pourri, on va avoir panne sur panne et on va passer la nuit au terrain.

-           Arrête ! Tu déconnes ?

-           Tu verras.

Le lendemain l’avion arrive, atterrissage normal. Les passagers débarquent. Gérard monte à bord, discute avec l’équipage, prend connaissance du compte rendu de bord. Nickel, aucune plainte, l'avion était en parfait état. Gérard descend pour narguer son collègue et se retrouve devant un spectacle irréel. Marcel était près d’un des trains d’atterrissage qui pissait le liquide hydraulique de partout : le circuit venait de lâcher ! Et Marcel, résigné, de lui dire avec le sourire :

-           Ça y est, elle est arrivée !

À te faire douter de tout me disait Gérard en concluant son histoire.

La femme de Marcel avait-elle des pouvoirs ? Le pouvoir de leur pourrir la vie !             

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